Quels indicateurs de performance utiliser dans son centre de relation client ?
Publié par Florence Guernalec le - mis à jour à
Pour mesurer la satisfaction client, les centres de contacts mettent davantage l'accent sur des indicateurs de performance qualitatifs. Au-delà des KPI historiques, de nouveaux indicateurs permettent d'enrichir la connaissance client, tout en devenant une source d'information pour les directions marketing.
" Dans son dernier film publicitaire, Nespresso communique pour la première fois sur la qualité de son service client et non sur celle de ses produits ", fait remarquer Ludovic Nodier, président de Viséo Conseil. Un signe que la relation client devient un enjeu stratégique ? En tout cas, les indicateurs de performance des centres de contacts s'adaptent pour répondre aux exigences toujours plus grandes des consommateurs. La tendance est aux "KPI quali", qui permettent notamment de mesurer la satisfaction client et le degré de fidélité du consommateur.
Les fondamentaux quantitatifs, comme le taux de décroché et le temps d'attente, demeurent cependant des incontournables. D'ailleurs, tous les professionnels interrogés s'accordent sur un point : aucun indicateur ne se suffit à lui-même. Eric Hénaff, responsable qualité et formation chez l'outsourceur Sitel, explique : " Aujourd'hui, nous pilotons quatre à six KPI macros pour atteindre la performance attendue par nos donneurs d'ordre : nous appliquons, sur chaque indicateur, les objectifs fixés par le client et nous les pondérons en fonction de leur importance dans le contrat. "
À l'heure où une nouvelle version de la certification NF Service - qui intègre la qualité du contact, l'expérience client et les autres canaux d'interactions (digital, points de vente) - vient de sortir, les éditeurs de logiciels spécialisés en gestion de la relation client et les cabinets de conseils rivalisent pour affiner les indicateurs de performance. Revue en détail de ces KPI et de leur rôle.
1-Assurer l'accessibilité au service
" L'accessibilité reste une attente fondamentale ", confirme Nicolas Diquéro, p-dg d'Acemis. Pour l'évaluer, le taux de décroché et le temps d'attente sont les deux KPI incontournables. Le référentiel NF 345 mixe d'ailleurs ces deux indicateurs : en effet, les centres de contacts certifiés sont censés répondre à 80% des appels en moins d'1,30 mn. En pratique, le niveau d'exigence varie en fonction de la valeur accordée au client et du degré d'urgence de l'appel : " le taux de décroché demandé par le donneur d'ordre est souvent plus élevé pour les appels au service technique (95-97%) que pour ceux adressés au service administratif (80 à 90%). De même, le temps d'attente peut varier entre 20 et 60 secondes ", explique Eric Hénaff (Sitel). Néanmoins, ces indicateurs fondamentaux ne sont plus des enjeux stratégiques, car les centres de contacts enregistrent désormais les mêmes taux d'un mois sur l'autre.
2-Optimiser les process
L'une des tendances actuelles consiste à se concentrer sur la teneur des interactions pour identifier des faiblesses récurrentes. Certains centres de contacts commencent à tester des outils de speech & text analytics : " l'analyse des retranscriptions de conversations permet, via des mots-clés, de déceler des signaux faibles, explique Vincent Lafarge, manager performance de la relation client d'Activeo. Il peut s'agir, par exemple, de clients qui évoquent une offre concurrente, d'un point de vente source de problèmes, etc. ". Le but reste d'améliorer le process d'ensemble.
3-Maîtriser le coût de traitement d'un contact
Pendant des années, la durée moyenne de traitement (DMT) d'un appel a fait partie des KPI clés. " Même si la DMT reste indispensable pour calibrer les ressources d'un centre de relation client en fonction du volume d'appels prévu, il est appelé à disparaître en tant qu'indicateur de pilotage opérationnel des centres, assure Nicolas Diquéro. Aujourd'hui, la priorité est de personnaliser la relation. Cela passe par l'adaptation du temps que l'on consacre à son client en fonction de son besoin et cela est difficilement compatible avec un management fondé sur la DMT. " Les centres de contacts ne veulent plus prendre le risque qu'un client insatisfait appelle plusieurs fois pour le même motif car, au final, cela augmente le coût de traitement de bout en bout de la demande. C'est pourquoi les entreprises préfèrent, aujourd'hui se concentrer sur le taux de résolution au premier appel. Dans la même logique, elles s'intéressent au taux de rendez-vous non légitime, synonymes de surcoûts inutiles.
4-Accompagner la digitalisation de la relation client
Les entreprises cherchent à concentrer l'activité des centres de relation clients sur les appels à forte valeur ajoutée. Pour y parvenir, les questions courantes sont traitées par les différents outils de selfcare en ligne : espace client, FAQ, communautés d'entraide, agent virtuel, etc. " De plus en plus d'actions sont mises en oeuvre pour transférer la prise en charge des demandes simples vers Internet. Les managers des centres sont mis à contribution pour favoriser ce transfert, notamment en incitant les conseillers à faire de la pédagogie sur les canaux les plus indiqués pour traiter une demande simple ", explique Nicolas Diquéro. Il s'agit alors de mesurer le taux de transfert de contacts vers le selfcare. Les entreprises pilotent ainsi le taux de digitalisation qui mesure la proportion de contacts traités par les canaux digitaux. Pour obtenir de bons scores dans ce domaine, Acemis teste le taux de promotion intercanal sur la base d'appels mystères. Cela consiste à observer comment les conseillers présentent les autres canaux au client, notamment le site web de l'entreprise, afin de savoir combien sont promoteurs du Web, combien sont détracteurs et combien sont neutres.
5-Améliorer la satisfaction client
Accueil du client, découverte de ses attentes, pertinence de la réponse, conclusion du contact et prise de congé. Les centres d'appels mesurent la qualité du contact en écoutant les enregistrements ou en effectuant des enquêtes. " En pratique, ce KPI contribue avant tout à la montée en compétence d'un collaborateur. Il est aussi indispensable à l'entreprise : 50% des efforts à réaliser pour améliorer son service passent par ce type d'indicateur ", explique Damien Wallon, directeur associé de Telemetris. Les entreprises certifiées NF Service s'engagent, en outre, à ce que 80% des interactions soient personnalisées : citation du nom du client, contextualisation de la demande, reformulations... Aujourd'hui, La tendance est de mesurer l'ensemble du parcours client, quel que soit le canal utilisé. Le consommateur est interrogé à l'issue de ses différentes interactions avec l'entreprise : appel au service client, intervention d'un technicien à domicile, etc. Les enquêtes post-appels mesurent non seulement la satisfaction du service, mais aussi celle du conseiller. Surtout, elles ont souvent recours au Net Promoter Score (NPS). " Cet indicateur seul ne signifie rien à notre sens, indique Vincent Lafarge, manager performance de la relation client. Si la note est mauvaise, nous préconisons de demander au client ce que l'entreprise peut faire pour s'améliorer ; à l'inverse, il faut aussi savoir pourquoi la note est élevée. Nous analysons ensuite les réponses avec des outils de speech analytics. " Ludovic Nodier souligne aussi les limites du NPS : " la satisfaction d'un client ne garantit pas sa fidélité... "
6-Accroître la fidélité de ses clients
" La fidélité se mesure plutôt par le taux de ré-achat et le taux de réengagement ", estime Ludovic Nodier. Hors du champ transactionnel, le "customer effort score" fait partie des nouveaux indicateurs mis en évidence par une enquête du cabinet de conseils Customer Contact Council. Cette étude, conduite auprès de 75 000 personnes, montre que moins un client doit faire d'efforts pour obtenir ce qu'il cherche, plus il sera fidèle à l'enseigne ou la marque. La question type posée est la suivante : " Quel niveau d'effort avez-vous déployé pour obtenir une réponse ? " " Le client est satisfait d'économiser du temps et de voir sa vie facilitée. Il aura alors une meilleure image de l'entreprise, explique Damien Wallon. Cet indicateur permet de mesurer le niveau de complexité imposé au client, et incite les entreprises à simplifier leurs process. " Mais pour que le customer effort score soit réellement efficace, Telemetris recommande également à ses clients de poser des questions supplémentaires aux consommateurs qui ont donné une mauvaise note. Dans le même esprit, l'éditeur de logiciels dédiés à la gestion de la relation client a intégré, à son outil, le nombre de "mercis" (sincères et chaleureux) du client qui pourrait avantageusement remplacer l'indicateur de clôture d'appel. Cependant, Damien Wallon reconnaît que ce KPI demande à être creusé : " Il faudrait conduire une étude pour mesurer si les "mercis" sont un facteur de loyauté et de business. "
7- Augmenter les ventes
Les entreprises s'intéressent également au taux de transformation et au taux de rebond. " Ces indicateurs sont de plus en plus importants dans les activités de service client ", explique Eric Hénaff. Auparavant, le centre de contact était perçu comme une structure de coût ; aujourd'hui, non seulement les conseillers gèrent la rétention, mais ils font également de l'up et du cross-selling. " Vincent Lafarge d'Activeo, est convaincu qu'en analysant de plus en plus les interactions avec les consommateurs, les centres de contacts seront capables de générer de la connaissance client, et en particulier, de mieux appréhender le comportement du consommateur. Par exemple, si les clients parlent souvent du prix ou d'un article concurrent auquel la marque ne souhaite pas être comparée, cela peut conduire le marketing à revoir le positionnement de ses produits. Activeo travaille aussi sur les interactions avec les consommateurs pour identifier les différents leviers décisionnels à l'achat sur un type d'article spécifique : " une fois ces leviers cartographiés, les conseillers doivent les identifier dès le début de la conversation pour être capables de faire du rebond commercial. Ces outils vont rapprocher le marketing et le service client. "
Les indicateurs historiques pourraient-ils se révéler obsolètes? Ludovic Nodier considère, au contraire, que " les nouveaux indicateurs ne suppriment pas les anciens. L'intérêt est plutôt de les croiser. " Éric Hénaff, de Sitel, abonde : " Nous nous efforçons d'établir les corrélations les plus pertinentes entre les indicateurs, et de trouver les bons leviers. " L'intérêt est également de faire un tri parmi les KPI. Nicolas Diquéro (Acemis) en est convaincu : " les centres de contacts vont travailler avec moins d'indicateurs mais, ces derniers seront plus opérationnels et permettront de déclencher une action corrective. "