Centres de relation client : les nouvelles organisations du travail
Publié par Véronique Méot le | Mis à jour le
Aménagement de sites, télétravail hybride, management à distance... les centres entament leur transformation et inventent de nouveaux modèles pour séduire et fidéliser leurs collaborateurs. Ils misent notamment sur la décoration, l'ambiance et la flexibilité.
Dans les centres de relation client, le turn-over reste important malgré les efforts déployés pour moderniser les postes de travail et proposer des perspectives d'évolution aux conseillers. « Nous avons au fil des années amélioré l'ergonomie, changé les fauteuils, les casques, installé des supports pour les pieds, pour les poignets, des mousses absorbantes pour le son, des écrans de meilleure qualité... tout cela est devenu incontournable, mais ne suffit plus », constate Olivier Offerlé, directeur des opérations France de Majorel.
Aujourd'hui, la fidélisation passe par la création d'un environnement de travail conçu autour du conseiller. « Le baby-foot, le billard, oui, c'est la base, les centres s'équipent également d'aménagements de confort (kitchenette, salon, terrasse)... propices au calme et au repos » poursuit-t-il.
La tendance est partagée. Chez Webhelp, Yann Barbin, DRH France, se réjouit de « l'attention portée aux conditions de travail des salariés, avec de larges bureaux équipés d'écrans 24 pouces minimum, voire de doubles écrans et d'espaces de détente pour décompresser ». Des salles de sport agrémentent les sites de Webhelp à Tourcoing et Compiègne notamment.
Exit les salles de formation traditionnelles, de petits amphithéâtres à taille humaine apparaissent, dotés d'écrans géants. « Nous réfléchissons à la mise en place d'une ambiance olfactive, à base de senteurs fraîches et de fruits rouges par exemple et à des décorations thématiques (montagne, prairie) pour égayer les plateaux », glisse encore Olivier Offerlé. Majorel met en place son projet baptisé Magellan à Porto. « Les équipes basées à Porto sont à 100 % en télétravail depuis le lancement de l'activité en avril 2022 », assure Olivier Offerlé. Ici, il s'agit de transformer l'activité du centre, installé au sein d'une villa - une ancienne ambassade - afin de bénéficier d'un cadre exceptionnel. « L'idée consiste à proposer un modèle hybride, avec des conseillers en télétravail qui viennent à la villa pour se former, rencontrer leur manager et vivre une expérience différente », poursuit Olivier Offerlé.
Le concept pourrait être dupliqué en France. Sitel supprime les grands plateaux et ouvre des hubs - via son programme MAXhub lancé à travers le monde - comme le MAXhub Paris à Romainville, doté de plateaux plus petits propices au coaching et d'espaces de détente. Ces aménagements accompagnent l'évolution de l'activité des centres de contact. Depuis la crise sanitaire, le télétravail gagne du terrain et les centres deviennent des bases arrière, sites de formations, d'échanges et de convivialité, à la croisée entre lieux de travail et lieux de vie.
Télétravail et mode hybride
« Le télétravail hybride à raison de 3 à 4 jours à domicile et 1 à 2 jours sur site se développe et concerne désormais 50 % de nos effectifs dans certaines régions. Ce mode organisationnel favorise la flexibilité, notamment au niveau des horaires et favorise l'équilibre vie personnelle vie professionnelle », note Yann Barbin. Et ça marche. « Les performances sont au rendez-vous, le turn-over et le taux d'absentéisme enregistrés sont plus faibles que sur les sites », remarque-t-il.
Chez Sitel, Isabelle Schneider, responsable de la coordination sociale, explique : « Aujourd'hui, en moyenne, environ 45 % de notre effectif est en télétravail et revient sur le site au minimum trois jours par mois afin de garder le lien avec l'entreprise et éviter l'isolement ». Pour télétravailler, les conseillers sont équipés de téléphone, casque, ordinateur soit par l'outsourceur, soit par le donneur d'ordre et, dans ce cas, signent une décharge de responsabilité.
Les outils d'accompagnement et les contenus digitaux se multiplient : kit de télétravail, plateforme e-learning dédiée à la santé et à la sécurité au travail, vidéos pour adopter les bonnes postures et éviter les troubles musculo-squelettiques, etc. « Nous assurons des permanences en cas de dysfonctionnement, mais tout le monde joue le jeu, les accords mis en place pour cadrer les conditions de travail en télétravail renouvelés en juillet 2022 ont été enrichis par quelques modifications grâce à nos retours d'expériences », précise-t-elle.
Par exemple, un salarié peut solliciter en cas de besoin la mise en place d'un dispositif d'accompagnement plus soutenu (experts métiers, formateurs et formateurs conseils). Rien n'est figé, Sitel dit s'adapter. La communication entre les équipes et avec les managers est maintenue grâce à un chat interne, qui permet à chacun de caler ses pauses, accéder à un FAQ, etc. Webhelp a développé une application, MyWebhelp, centrée sur la vie des collaborateurs, leur permettant de déposer leurs congés, d'accéder à leur planning ou de se tenir au courant des dernières actualités de l'entreprise.
Management à distance
33,8 % des responsables de centre de contact attribuent le turn-over des agents au manque de soutien managérial selon le rapport 2022 sur les grandes tendances de l'expérience agent RingCentral - Benchmark Portal. La refonte de l'organisation managériale se fait attendre. La crise sanitaire et le développement du télétravail ont rebattu les cartes.
« En 2023, nous devons faire face à un fort enjeu de fidélisation des équipes », admet Olivier Offerlé. Majorel se fait accompagner par PwC dans sa démarche. « Nos collaborateurs et nos clients ont changé, alors que nos organisations pyramidales ont peu évolué, nous devons adopter des modes managériaux innovants, plus participatifs, plus communautaires, proches du coaching », affirme-t-il. Instaurer de l'accompagnement en lieu et place du contrôle. Et individualiser.
« Le management de masse a vécu », lâche Olivier Offerlé. Au contraire, les managers devront s'adapter aux différentes personnalités présentes dans les équipes. Le changement de cap demande du temps et s'annonce progressif. « Nous avons constaté de vraies disparités d'approches managériales d'un site à l'autre, d'où la création du programme Yes (Your excellence standard) visant à mettre en oeuvre un management différencié », déclare Thomas de Tastes, directeur de partenariats chez Armatis. Objectif : remettre à plat le management et dérouler un parcours sans point de rupture. « L'idée étant de déployer une stratégie de mise en oeuvre du principe de la symétrie des attentions », annonce-t-il.
Le programme, en phase pilote, devrait être lancé sur l'ensemble des sites en France à la fin du second trimestre 2023, processus de certification à l'appui.
« Nous cherchons à agir sur trois indicateurs majeurs : le turn-over précoce (moins de 6 mois), l'absentéisme et la satisfaction collaborateur.» souligne Thomas de Taster, directeur de groupe de filiales chez Armatis.
Pour y parvenir, nous repositionnons le manager dans sa fonction, en proximité, grâce à de nouveaux moyens, la formation afin de développer ses connaissances, mais aussi des outils pédagogiques (la console Yes contient les supports et contenus nécessaires) pour gagner en efficacité », détaille Thomas de Tastes. L'enjeu, au final, étant d'ouvrir des perspectives de carrière pour tous.
« Le full télétravail suppose davantage de suivi et de contrôle »
Laure Durand, directrice des opérations PSA Finance France
PSA Finance France cible deux types de clients : les vendeurs et les consommateurs. « La gestion de la relation client avec les vendeurs est totalement internalisée, mes équipes interviennent en soutien des animateurs commerciaux et la gestion de la relation avec les clients finaux s'organise selon un mode hybride (internalisée à 70 %, externalisée à 30 % auprès de deux prestataires) », explique Laure Durand, directrice des opérations de PSA Finance France.
L'entreprise avait déjà instauré le télétravail à raison d'un jour par semaine, mais depuis la crise sanitaire, le rythme s'est accéléré. « Nous testons avec Majorel le full télétravail à Porto. Il doit nous permettre de mettre en place cette activité en nearshoring, sans déroger à nos exigences en matière de sécurité, de réglementations, de formation », déclare-t-elle. Les collaborateurs doivent pouvoir échanger entre eux, partager leurs expériences et leurs interrogations. « Ce qui suppose davantage de suivi et de contrôle de la part des équipes de Majorel », poursuit-elle.
Les résultats semblent au rendez-vous. « L'organisation de l'activité à Porto représente un laboratoire pour nous, une source d'inspiration en interne, le site exceptionnel de ce centre ouvre des perspectives», conclut-elle.