Clarisse Charreaux, Zeiss Vision Care France : "Notre capital, c'est une expertise indéniable"
Publié par MARIE JULIETTE LEVIN le | Mis à jour le
Depuis 2021, Clarisse Charreaux déploie la stratégie marketing et relationnelle de la marque d'optique allemande Zeiss, réputée pour son savoir-faire technologique. Elle adresse une double cible, les opticiens et les porteurs de lunettes, avec un objectif clair : la préférence de marque dans un univers très challengé.
Pouvez-vous nous présenter la marque Zeiss ?
Zeiss, c'est une société allemande (basée entre Stuttgart et Munich) qui a plus de 175 ans, avec un très fort héritage, dont le métier est l'optique de précision. C'est un groupe mondial qui fait plus de 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires, avec 43 000 collaborateurs dans le monde entier. Son activité s'appuie sur quatre métiers principaux : une division grand public qui fabrique et commercialise des verres de lunettes pour les opticiens (2 milliards d'euros de chiffre d'affaires) ; une division qui fabrique et distribue des instruments pour les hôpitaux ; une entité qui fabrique des machines qui vont imprimer les processeurs et enfin une activité qui fabrique les instruments pour mesurer cette précision. Les entités se nourrissent les unes des autres. On travaille sur la synergie. Zeiss a la particularité d'appartenir à 100 % à une fondation. C'est extrêmement structurant puisque l'entreprise consacre au moins 10 % de son chiffre d'affaires en recherche et développement. Zeiss dépose, toutes entités confondues, à peu près deux brevets par jour.
Quelles sont vos cibles ?
Nos clients, ce sont les opticiens appartenant à des enseignes, des franchisés ou des indépendants mais aussi des consommateurs, porteurs de lunettes. Donc nous avons une stratégie BtoB, mais aussi de BtoCtoB, dans la mesure où nous évoluons sur un marché qui est structuré par le remboursement des soins. D'ailleurs, les porteurs ont assez peu conscience de la marque de leurs verres de lunettes, il faut donc faire oeuvre de pédagogie pour montrer que tous les verres ne se ressemblent pas.
Être une fondation, cela forge votre image ?
Pour nos clients opticiens comme pour les consommateurs, cela résonne beaucoup dans un contexte où l'on évoque le sens et l'engagement RSE des entreprises.
Comment adressez-vous vos clients ?
Pour faire connaître la marque, nous lançons des campagnes de communication avec Dentsu Creative sur un ton humoristique, connivent, pour apporter de l'émotion dans un secteur technologique. Nous sommes également partenaires d'événements comme la Transat Jacques Vabre ou le Tournoi des 6 nations autour desquels nous greffons des kits de communication pour animer les points de vente. En parallèle, nous avons développé une offre de formations ludo-pédagogiques pour les opticiens. Nous travaillons avec environ 4 000 clients.
Ce sont les opticiens vos prescripteurs ?
Oui, donc nous essayons de les convaincre sur la qualité de nos produits. Et nous avons développé un service relation client de 80 personnes à Fougères pour les accompagner, dont certaines avec des expertises très pointues. Dans toutes les enquêtes, il est reconnu comme très réactif, facilitateur, très proche des clients. C'est un de nos gros enjeux. Nous avons développé des outils digitaux et une plateforme où ils ont accès à tous les services, à tous les supports de communication qu'ils peuvent commander aussi directement.
Quels sont vos indicateurs de satisfaction client ?
Nous avons un taux de Net Promoter Score (NPS) de 61,3 en 2023 et un taux de décroché en moins de 20 secondes de 84 %. Concernant le taux de notoriété assistée, Zeiss est reconnue auprès des CSP + (cible principale) à 50 % et 39 % auprès des porteurs de lunettes.
Votre défi, c'est de gagner en notoriété ?
Oui, très clairement. Nous voulons nous faire aimer. J'aimerais que l'on ne nous choisisse plus par hasard. Mais, je pense qu'en termes de notoriété, Zeiss a fait un bond en avant en trois ans. Notre capital, c'est une expertise indéniable.
Nous sommes une marque avec un positionnement plutôt premium, mais qui reste accessible malgré tout. Et tout l'enjeu, c'est de vendre de la valeur dans un contexte où parfois les opticiens vendent en fonction du remboursement des mutuelles pour éviter de facturer du "reste à charge". Notre objectif, c'est d'accompagner les opticiens pour vendre de la valeur ajoutée.
Comment animez-vous cette relation client ?
On s'appuie sur l'outil Salesforce pour le CRM et nous avons une très forte proximité avec les équipes commerciales. Par exemple, chaque mois, nous organisons un "co-com", avec le directeur général et tous les directeurs de région. Durant cette journée, nous évoquons tous les petits points de friction, tous les irritants afin d'être ultra-réactifs dans notre réponse. Nous mettons en place beaucoup de tournées sur le terrain pour comprendre et analyser les points à améliorer.
Parlez-nous du projet "Apollo" ?
C'est un projet stratégique de l'entreprise pour améliorer l'expérience client. Pour cela, nous travaillons sur deux axes : le développement de la culture client et l'amélioration de l'expérience de nos clients et de nos collaborateurs. Après avoir analysé tous les verbatims de nos NPS, la société KPAM, qui nous accompagne dans ce projet, a modélisé chaque étape du parcours client dans un "tracker" de l'expérience client. Cela nous a permis d'identifier les pics d'enchantement et les irritants, et de ressortir les points majeurs sur lesquels nous devions nous focaliser. Et puisque nous sommes convaincus qu'un collaborateur satisfait fait un client satisfait, un questionnaire a été envoyé à nos collaborateurs pour identifier le moment qu'ils avaient préféré et le moment le plus difficile en lien avec des clients. Les expériences clients et collaborateurs ont été mises en parallèle et nous avons vraiment pris conscience des points suscitant à la fois l'enthousiasme de nos clients et la fierté de nos collaborateurs. Par ailleurs, d'autres étaient, a contrario, vécus très difficilement. Nous avons donc ainsi pu définir et prioriser les actions à mettre en oeuvre. Ce projet au long cours embarque toutes les équipes, qu'elles soient en rapport direct avec les clients ou des services qui n'ont pas d'interactions mais dont le rôle est clé. Nous avons organisé des visites pour nos clients et prospects de notre service client flambant neuf à Fougères, mais aussi de notre "shopper lab", showroom qui réunit toute l'expérience Zeiss avec les instruments mêlés à l'IA. Les clients apprécient cette proximité et nos collaborateurs sont très fiers de montrer l'outil de production, de montrer leur travail. Ce sont des moments d'enchantement.
Vous avez une expérience en marketing BtoC essentiellement. Quelles sont les différences avec l'univers BtoB ?
Je trouve que c'est aussi très intéressant, très riche parce qu'on parle à des chefs d'entreprise. On va beaucoup plus loin dans l'accompagnement à la fois sur la dimension consommateur - avec laquelle je me sens plus à l'aise parce que cela fait écho avec ce que j'ai connu -, mais aussi dans leur problématique de dirigeant. Par exemple, les opticiens ont un sujet récurrent autour du recrutement. Or, quand on fait du marketing, c'est pour répondre aux besoins des clients ! C'est pourquoi j'ai lancé une campagne drôle en digital sur les réseaux sociaux, en radio, pour recruter, pour éveiller, les étudiants aux métiers de l'optique.
Développez-vous une stratégie RSE ?
Oui nous déployons un grand volet RSE pour le groupe. Zeiss France a créé en janvier 2022 un poste dédié à cet engagement pour mesurer les résultats. Nous avons été les premiers du secteur à avoir le label RSE niveau confirmé, délivré par l'AFNOR. Obtenir ce label exigeant nous a contraints à structurer notre approche. Le label Engagé RSE est organisé en cinq chapitres d'évaluation des pratiques RSE de l'entreprise (pratiques stratégiques, managériales, production et consommation, ancrage local) et trois chapitres de résultats RSE (économiques, sociaux / sociétaux et environnementaux). Ce sont ainsi 54 critères qui sont examinés sur le terrain par une équipe d'évaluateurs qui vient à la rencontre des salariés et parties prenantes. Nous avons fait notre bilan carbone et, pour compenser une partie de nos émissions de CO2, nous accompagnons des fermes dans leur transition environnementale, écologique, autour de Fougères. Zeiss soutient aujourd'hui cinq fermes proches de ses sites, ce qui permet de compenser une partie de nos émissions carbone pendant environ 3 ans.
En plus de nos efforts pour réduire ces émissions, nous avons décidé de collaborer avec Agoterra, qui met en relation des agriculteurs souhaitant passer à une agriculture bas carbone et régénératrice avec des entreprises. Zeiss travaille beaucoup sur l'ancrage territorial et il nous semblait important de pouvoir aller les visiter pour voir in situ à quoi sert notre investissement. Par exemple, certaines fermes sont équipées de panneaux solaires et les agriculteurs, à leur tour, sont venus visiter notre usine. Cela crée un lien plutôt sympathique.
Zeiss Vision Care France s'engage par ailleurs continuellement à réduire son impact environnemental, en témoignent par exemple les -31 % d'eau et -46 % de déchets depuis 2020 pour son usine de Fougères. Enfin, l'entreprise s'implique dans de nombreuses actions sociales avec notamment le Bus des Invisibles, les Restos du Coeur, le Lions Club ou la production de documentaires.
Chiffres clés :
10 milliards d'euros de CA dans le monde.
52 pays.
43 000 collaborateurs.
280 millions d'euros de CA en France.
900 collaborateurs
dont 400 chez Vision Care à Fougères (35).
22 millions d'euros de CA investis ces 5 dernières années.
13 % du CA investi en R & D.
2 brevets déposés par jour.
Dates clés :
1846 : Création
de la compagnie
par Carl Zeiss.
1889 : Création
de la Carl Zeiss Fondation.
1959 : Les verres
anti-reflets sont commercialisés.
1969 : Zeiss équipe
la caméra du premier homme sur la lune.
2020 : Lancement
du kit antibuée.
2022 : Lancement
du verre dédié à la myopie évolutive
chez l'enfant.
Son parcours :
À la suite de stages et de sa formation chez Neoma avec une spécialisation marketing et vente, Clarisse Charreaux se passionne pour les sujets liés à la marque et aux clients. Après avoir effectué une première expérience chez Yves Rocher, elle se spécialise sur le CRM. Son parcours l'amènera ensuite à évoluer au sein du Club Med, d'Optic2000 ou encore de Nature & Découvertes, en tant que directrice marketing. Après une rapide expérience chez Cache Cache (groupe Beaumanoir), elle est directrice marketing de Zeiss Vision Care depuis 2021.