Outsourcing: le cycle de l'expérience client succède à celui de la relation client
Publié par Martine Fuxa le - mis à jour à
Grand spécialiste de l'outsourcing, Patrick Dubreil, président de CCA International, témoigne de l'évolution du secteur. Pour le dirigeant, le prestataire doit veiller à demeurer plus innovant et agile que l'interne.
Comment le secteur évolue-t-il?
Le métier a, à chaque fois, subi des changements profonds, avec des cycles marqués par des ruptures. On se souvient des années de conquêtes soutenues par la télévente et le télémarketing, puis des années de fidélisation soutenues par les premiers services clients et l'émergence des premières études de satisfaction client. À chaque fois, un cycle qui dure quelques années prend fin avec un autre cycle qui débute et, à chaque fois, la profession doit se remettre en question, s'adapter et s'améliorer. Je vois ce cycle de l'expérience client qui succède à la relation client comme étant probablement un grand marqueur de rupture et l'ouverture d'un nouveau cycle.
Chacun a compris qu'on raisonnait désormais beaucoup plus en valeur client sur le parcours, la rapidité, la fluidité d'une expérience et que définitivement, la vision en silo à l'intérieur des entreprises ou à l'égard des canaux est obsolète et inadaptée. Comme à chaque fois dans ces périodes de grands changements, les marques qui sont les grands donneurs d'ordre se retournent vers les prestataires outsourceurs qui sont censés être agiles et réactifs et leur demandent de les aider à faire plus vite, plus innovant et moins cher. Le prestataire doit justifier sa légitimité. S'il n'est pas plus innovant, agile et plus rapide que l'interne, la promesse de base est en danger. Les majors de ce secteur sont devenus de très grandes entreprises avec des milliers de salariés sur plusieurs pays. La question est donc de savoir comment réussir à être plus agile, innovant et moins cher tout en étant devenu de grosses structures.
Nous sommes dans 12 pays et nous délivrons plus du tiers de notre chiffre d'affaires dans des programmes paneuropéens.
Le secteur a grandi pendant 15 ans, avec une croissance à deux chiffres, en étant dépendant d'un seul secteur d'activité qui est les télécoms avec les trois opérateurs installés. En 2012, ce secteur a connu un retournement et cela a été le début d'un nouveau cycle pour la profession des prestataires en France. À l'époque, en 2012, arrive le quatrième opérateur et CCA International était dans la taille moyenne, ou le "plus petit des gros". Dès 2012, CCA a dû envisager la diversification sectorielle. Nous avons créé des entités qui adressent des verticaux, comme CCA Courtage il y a quatre ans, une structure dédiée au monde de l'assurance et au monde mutualiste. Notre logique n'est pas une présence multidomestique, ce qui peut être le cas de nos grands concurrents. Nous sommes dans 12 pays et nous délivrons plus du tiers de notre chiffre d'affaires dans des programmes paneuropéens, multilingues, à partir de grands hubs situés dans les principales capitales européennes. Enfin, nous nous efforçons d'accompagner le mouvement et les attentes de nos clients dans l'univers digital. Nous avons créé une agence digitale intégrée, Brand Value, en 2017. Il s'agit de proposer une spécialisation dans les canaux émergents.
Il y a une tendance qui me paraît importante et qui est une conséquence de la transformation de la relation client en expérience : le besoin avéré d'une expérience fluide. Nous manions de nombreuses data qui doivent servir à mieux personnaliser les offres et les services apportés au client. Le sujet de la data est un grand enjeu pour le secteur mais nous en sommes aux débuts, d'autant que les data ne nous appartiennent pas et que tout doit être exécuté dans les règles de l'art.
Parmi les projets de 2018, nous cherchons activement à finaliser une acquisition en Europe centrale pour optimiser notre dispositif paneuropéen. En complément des grandes capitales européennes où nous sommes déjà présents, nous voudrions finaliser une implantation dans la zone. Autre chantier en cours, celui de l'incubation de nouvelles technologies pour nos clients via des partenariats commerciaux, ou en prenant des participations, selon les opportunités qui se présentent.
Ce sont des sujets prospectifs mais qui augurent un changement assez significatif. Ces technologies vont améliorer la fluidité et la qualité de l'expérience client. Il faut tout de même distinguer ce qui relève de l'automation des processus d'une vision sans doute orwellienne et fantasmée de bots qui permettrait à l'IA de se substituer à l'humain. Il faut raison garder, d'autant que la réalité est que 61% des flux dans les centres de contacts restent du téléphone, c'est 84% du chiffre d'affaires des outsourceurs sur le francophone (source SP2C, BVA). Le pure digital, en excluant le mail, ne représente pour l'heure que 3%. Il faut surtout partir du client-consommateur qui n'est pas prêt à avoir une substitution totale de l'humain vers la technologie.