"Je privilégie l'intelligence collective et les méthodes agiles", Christophe Famechon
Publié par Propos recueillis par Marie-Juliette Levin le | Mis à jour le
Christophe Famechon, Head of Customer Service de Fnac Darty, a été élu Personnalité Client de l'année 2021. À son actif, la transformation du management au sein du service client, l'ouverture de nouveaux canaux de contact et la réinvention de la relation client via une accentuation du conseil.
Vous avez été élu Personnalité Client 2021 par la profession, comment accueillez-vous cette distinction?
Je suis très heureux car cette distinction a beaucoup de valeur sur le marché. Mais c'est aussi un bon axe de communication en externe et de motivation en interne. J'ai eu beaucoup de retours positifs et cela met en valeur un métier insuffisamment reconnu.
Votre parcours est riche dans l'univers de la relation client. Vous avez débuté en Argentine, au sein de la filiale de France Télécom pour monter le service client sur place. C'était il y a 25 ans... Pouvez-vous nous retracer les éléments phares de votre parcours?
Comme beaucoup de gens qui font carrière dans la relation client, il n'y a pas de voie tracée. C'est souvent le fait de hasards et de rencontres. Je suis parti en Argentine après mon école de commerce dans une filiale de France Télécom pour le déploiement d'un réseau de téléphonie mobile. Puis, j'ai organisé le service client sans aucune connaissance sur le sujet mais avec l'appui du groupe pour monter un CRM dans les années 90. À l'étranger, on prend des responsabilités dès 25 ans. Après quatre années passées en Amérique du Sud, je suis revenu en Europe à l'époque des balbutiements d'internet et j'ai voulu quitter la téléphonie pour un fournisseur d'accès internet. Puis, entre 1999 et 2006, j'ai travaillé pour AOL et j'ai pris des responsabilités au niveau européen sur les call centers et le service client. Nous avions à l'époque des taux de croissance à trois chiffres. J'ai monté le premier centre d'appels au Maroc en 2001. En 2006, j'ai lancé ma propre entreprise dans le service. Puis ComData au Maroc et j'ai été débauché par le groupe Darty en 2008 pour m'occuper du service client, puis de l'ensemble du groupe Fnac Darty depuis 2016. Je suis dans le secteur depuis 25 ans.
Chiffres-clés groupe Fnac Darty
908 magasins dans le monde (dont 344 franchisés)
213 magasins Fnac en France
223 magasins Darty
25 000 collaborateurs dans le monde dont
19 000 en France
254 millions de visites en magasin
7,4 milliards d'euros de CA Groupe (2020) dont environ 30 % sur le web
36 millions de visiteurs uniques mensuels cumulés sur les deux sites dont 22 millions pour fnac.com et 14,1 millions pour darty.com (à fin décembre 2020)
Les ventes omnicanales représentent 42 % des commandes web du Groupe (à fin décembre 2020) 10 millions d'adhérents Fnac dans le monde dont 8 millions en France
En France, les adhérents réalisent plus de 62 % du CA
Vous êtes un passionné du service de longue date, quels sont vos grands principes en la matière? Vos convictions?
C'est avant tout un métier humain qui repose sur des qualités managériales supérieures à ce que l'on peut trouver dans d'autres industries. Il faut savoir gérer des collaborateurs en nombre et savoir s'entourer de leaders. La qualité du contact est essentielle, il faut donc s'assurer de bons recrutements, de formations à la hauteur pour les collaborateurs. Enfin, je pense que pour réussir un service client performant, il faut avoir des process, une organisation et des outils efficaces pour gérer le parcours client.
Le digital est-il un facilitateur?
C'est vrai, les habitudes des consommateurs ont changé. Aujourd'hui, le moyen d'accès à une marque, c'est le téléphone portable pour entrer en contact via les interfaces web. Toutes les stratégies digitales sont basées sur l'usage du client, devenu zappeur. C'est désormais inscrit dans les parcours client, donc les chats et les interfaces de messageries sont prioritaires dans la relation client. Cela permet d'apporter une réponse plus structurée qu'au téléphone. Cela rend aussi le conseiller plus pertinent dans sa réponse. Enfin, le chat permet de limiter l'interface émotionnelle lors d'un appel et l'éventuelle mauvaise gestion du stress.
Au sein de Fnac Darty, comment est organisé le service client que vous dirigez?
Je dirige le service client des deux marques, qui gardent chacune leur identité. Les équipes du service client sont à 90% spécialisées pour chacune des deux enseignes. En revanche, les fonctions support (gestion de projet, pilotage, planification, reporting...), qui regroupent 15 personnes, sont mises en commun. J'ai quatre sites opérationnels en interne qui gèrent 40% des volumes et 60% de l'activité est externalisée en offshore (entre 1200 et 1500 personnes), au Maroc, à Madagascar et à l'Ile Maurice. Dès que l'activité e-commerce progresse, ce qui est notre cas avec 30% du chiffre d'affaires réalisé sur le site web (deuxième site e-commerce français derrière Amazon), cela génère plus de contacts qu'une vente en magasin avec plus de saisonnalité. C'est pourquoi nous avons décidé d'externaliser une partie du service client.
Vous avez fait évoluer vos pratiques managériales il y a peu. Pouvez-vous nous en parler? Quel est votre retour d'expérience?
Aujourd'hui, les consommateurs font confiance aux marques qui savent faire preuve de générosité, de proximité et de sincérité. Je cherche depuis des années à donner toujours plus d'autonomie aux conseillers client avec moins de niveaux hiérarchiques pour traiter la demande du client de A à Z. Et pas seulement d'élargir leur capacité à faire des gestes commerciaux mais à négocier directement avec le directeur de plateforme de livraison ou du magasin sans passer par une chaîne hiérarchique trop lourde. J'ai donc construit des organisations avec peu de fonctions support et peu de fonctions managériales. Le but, c'est l'efficacité. Je déploie ces méthodes agiles sur l'ensemble de mes centres d'appels en faisant davantage confiance à l'intelligence collective qu'aux structures hiérarchiques classiques.
Vous ambitionnez au sein de Fnac Darty de réinventer la manière de servir les clients d'ici 2025, quelles sont les grandes étapes de ce projet?
Le plan stratégique du groupe Fnac Darty, baptisé "Everyday", s'étend de 2021 à 2025. Ce n'est pas vraiment une réinvention, mais plutôt une accélération de tendances. Notre objectif est d'être un leader en distribution omnicanale avec une expérience client humaine et efficace. Ensuite, nous misons sur la digitalisation du chiffre d'affaires et des parcours client. Nous croyons beaucoup aux parcours croisés physique-digital et nous lançons des nouveaux canaux sur Snapchat, Apple Business Chat... Autre pilote, le Groupe expérimentera la messagerie WhatsApp en magasin (dans cinq d'entre eux) afin que les consommateurs puissent échanger directement avec les conseillers. Enfin, nous sommes engagés sur la durabilité en mettant en valeur des offres de services dédiées.
Quelles sont les technologies en lesquelles vous avez foi pour améliorer l'expérience client et sa fluidité?
Aujourd'hui, nous menons un chantier sur le "conseiller augmenté" en s'appuyant sur l'intelligence artificielle pour mettre en place des bases de connaissances avec des moteurs de recherche en langage naturel. Dans le domaine de l'assistance technique, nous avons noué un partenariat avec la start-up Mayday. C'est, selon nous, le modèle du futur car les consommateurs se renseignent tous sur internet avant de nous appeler, donc nous devons apporter une valeur ajoutée. Deuxième priorité au sein du groupe, l'intelligence artificielle au service de la connaissance clients. Nous avons une source de data exceptionnelle avec pas moins de 12 millions d'interactions, de conversations avec nos clients, par an. Nous voulons nous en servir pour mieux orienter les décisions d'entreprise, identifier les signaux faibles pour détecter les problèmes et trouver des solutions avant tout débordement, notamment sur les réseaux sociaux. Nous exploitons la data pour orienter les décisions du Comex. Enfin, dernier chantier, l'enrichissement du self care des bases de connaissance pour rendre le client le plus autonome possible.
Vous avez lancé en 2019 un programme baptisé "Centre d'appels agile" en France et au Maroc. De quoi s'agit-il?
J'ai beaucoup tâtonné, car j'y réfléchis depuis 2014. J'ai découvert l'approche de Frédéric Laloux, auteur de "Reinventing organizations", qui décrit des organisations autogouvernées et met en exergue les points communs de toutes ces structures. Le premier élément est lié à la raison d'être de l'entreprise. Chez Darty, c'est très simple, c'est le "Contrat de confiance" avec l'obligation de satisfaire 100% des clients, inscrit dans le contrat de travail de chaque collaborateur. Le deuxième principe, c'est la transparence absolue de l'information. Les conseillers ont ainsi accès aux indicateurs de reporting, aux niveaux de performance de chacun... Enfin, le dernier pilier de notre organisation est lié à la prise de décision, sans managers référents, avec des processus d'arbitrage. Comment gérer des situations difficiles, gérer des conflits au sein de l'équipe... Nous les avons formés aux techniques de recrutement afin de constituer des équipes avec des profils et des compétences variés. J'ai transformé les encadrants en coachs pour accompagner les équipes.
Son parcours
Depuis sa sortie d'école de commerce en 1992, Christophe Famechon évolue dans l'univers de la relation client. Après avoir démarré sa carrière au sein de la filiale de France Télécom en Argentine, il monte le service client et la partie CRM.
Il poursuit, en 1997, au sein du fournisseur d'accès internet, AOL. Il crée alors les premiers centres d'appels au Maroc en 2001.
En 2008, il rejoint Darty via sa filière web et prend la tête du service client en 2014. Avec le rachat de la Fnac en 2017, il devient alors directeur de la relation client du Groupe.
En 2019, il lance le programme "Centre d'appels agile" en France et au Maroc.