« La relation client est un univers où les leviers d'action sont très nombreux »
Publié par Propos recueillis par Emmanuelle Serrano le - mis à jour à
Sébastien Rubaud, directeur de la Relation Client de SFR, a été élu Personnalité Client de l'année 2023 le 20 juin dernier. Avec ses équipes, il a réussi à améliorer nombre d'indicateurs clés comme le taux de réappels et cherche aujourd'hui à mettre clients et conseillers en harmonie...
Vous avez été élu Personnalité Client 2023. Qu'est-ce que ce trophée représente pour vous et vos équipes ?
C'était déjà une belle surprise d'être nommé et cela a été une belle récompense pour le travail réalisé par nos équipes. Derrière le trophée qui est remis à une personne lors de l'élection, il faut considérer tout le travail fait par les collaborateurs et collaboratrices du service client de SFR depuis plus de cinq ans. Nous avons construit énormément de choses tous ensemble, mais aussi avec notre partenaire Intelcia. Le fait d'avoir été élu Service Client cette année a aussi montré que nous avons obtenu des résultats perceptibles dans la très nette amélioration de tous nos indicateurs. Tout cela contribue à mettre en lumière les équipes et à faire parler positivement de SFR, alors que nous avons traversé une période un peu difficile sur ce plan il y a cinq-six ans.
Le secteur des télécoms est ultra-compétitif, la relation client est-elle vue comme un centre de coûts pur et dur ou a-t-elle acquis ses lettres de noblesse chez SFR ?
La vérité est sans doute à mi-chemin. Notre stratégie depuis cinq à six ans a consisté à optimiser les coûts en améliorant l'expérience client et en réalisant des gains d'efficacité (parcours clients, réseaux, box, etc.). Dans un premier temps, nous nous sommes efforcés de comprendre les raisons pour lesquelles nos clients nous appelaient afin de réduire le volume des appels liés à ce que nous pourrions décrire comme de la "non-qualité" au sens large. Notre deuxième axe d'action a été de se demander si notre prise en charge était vraiment optimale afin d'éviter qu'un client n'appelle et surtout qu'il ne renouvelle son appel. Nous mesurons le taux de réappels global et par conseiller. Ces initiatives ont eu des retombées économiques positives. In fine, nous avons abaissé de 40 % les appels et réappels par an, tandis que les coûts de notre service client ont nettement chuté. Cela a été la résultante de notre action, pas sa finalité.
Quels sont les trois principaux motifs d'appel ?
De façon générale, le degré d'exigence des clients a très fortement progressé ces dernières années. C'est naturel et légitime, car le téléphone et l'Internet ont pris une importance vitale. Trois grandes thématiques sortent du lot : en première instance, tout ce qui tourne autour de la box que ce soit l'Internet ou la télé. Ensuite, on a un pourcentage non négligeable d'appels abordant les questions de prix. Enfin, nous recevons également beaucoup d'appels sur des points d'ordre commercial ou administratif (changement d'offre, explicitation des factures, tarification à l'international, etc.). Depuis deux ans environ, nous oeuvrons au changement du positionnement de nos conseillers clients afin de vraiment donner du sens à ce terme de "conseiller". Par exemple, si un client appelle pour un problème technique, au-delà de le dépanner, nous pouvons lui apporter une information complémentaire. S'il est en ADSL et éligible à la fibre, nous le lui signalons pendant l'appel. Conseiller est un moyen de fidéliser nos clients et cela peut avoir des retombées économiques positives : un client peut s'équiper ou bien il souhaitera en savoir plus sur un nouveau bouquet de services, etc. Le service client est devenu un vrai canal de vente (migration vers la fibre, renouvellement de mobile, etc.).
Quels sont les KPI d'une bonne relation client dans le secteur des télécoms ?
Honnêtement, je ne pense pas qu'il y ait des spécificités propres au secteur des télécoms. Les acteurs de ce secteur dont nous faisons partie travaillent depuis longtemps sur la relation client. Ils sont souvent dotés d'importants centres d'appels, donc ils ont acquis au fil des années une expérience assez pointue. Quand j'échange régulièrement avec mes homologues dans d'autres filières d'activité, je me rends compte que nous assurons un suivi fin de notre relation client. Bien entendu, le taux de décroché reste un des indicateurs primaires les plus suivis chez nous. Il est d'ailleurs plutôt bien maîtrisé et très bon depuis plusieurs années. Nous avons aussi pris soin de dimensionner suffisamment nos centres d'appels pour ne pas avoir de problèmes sur ce plan. Deux autres paramètres sont essentiels pour nous : le taux de réappels client, mesuré de façon exhaustive par appel, et la satisfaction client post-appel, sachant que sur les enquêtes de satisfaction, le retour est généralement de 10 % environ.
Quelles sont les initiatives que vous avez prises en faveur d'une meilleure expérience collaborateur dont vous êtes le plus fier ?
Le métier de conseiller est un métier pointu, difficile. Notre action depuis cinq ans a consisté à faire tout ce qui était en notre pouvoir pour le faciliter au maximum. Pour y parvenir, nous avons travaillé sur la qualité de la formation, ce qui rejoint la thématique de l'expérience collaborateur. Un conseiller ne doit pas se sentir démuni, fragile et stressé à chaque fois qu'il doit traiter un appel. Nous avons donc procédé à une refonte complète de nos formations, trop théoriques, pour les rendre plus pratiques. Le deuxième axe a consisté à construire un arbre de diagnostic qui guide le conseiller du début jusqu'à la fin de l'appel pour l'aider à apporter la bonne réponse. Aujourd'hui, les équipes ne sont pas perdues face aux clients car elles sont outillées et savent répondre. Nous sommes en train de travailler sur un troisième axe : celui de la qualité de l'interaction entre le conseiller et le client. Cette notion tourne autour de celle de savoir-être, une notion qui s'appuie sur des ressorts psychologiques et sur l'écoute. C'est un investissement important en termes de temps et de coûts. Mais nous sommes convaincus que cela nous sera bénéfique à la fois pour les clients et les collaborateurs. Ma conviction, c'est qu'à la fin de chaque appel, le client a un avis, et le conseiller aussi. Si cela ne se passe pas bien, c'est frustrant pour les deux. Heureusement, dans la majorité des cas, tout se passe bien. Les clients savent exprimer leurs émotions : quand ils ne sont pas contents, mais aussi quand ils le sont. Nous percevons quand les gens raccrochent avec le sourire car ils ont reçu notre aide. Notre travail est d'aider nos conseillers pour que chacun de leurs appels se passe très bien. La notion de qualité d'échange présuppose une écoute active et la volonté d'entrer en harmonie avec son client à l'autre bout du téléphone. Nous avons mis sur pied un programme du même nom ("Harmonie") qui est porté par notre partenaire Intelcia afin de développer la capacité d'écoute de nos conseillers.
Quels sont actuellement vos gros chantiers en matière d'investissement technologique. Je pense notamment à l'intelligence artificielle ?
Sur la partie technologique, nous travaillons sur plusieurs axes, notamment celui de l'IA. Ma conviction est qu'il y a trois grands sujets : premièrement, il faut réduire le besoin de faire appel à une assistance, en étant de plus en plus efficace dans nos parcours clients et en ayant un réseau robuste. Idéalement, un client ne doit pas se soucier un instant de SFR : son Internet, son téléphone, sa télévision doivent fonctionner tout le temps. Cela reste notre ambition numéro un. Pour autant, il y a encore des causes de nature technologique (pannes diverses) et des problèmes rencontrés (travaux qui causent involontairement des dégâts sur nos réseaux, etc.) qui ne sont pas de notre fait.
Deuxièmement, s'il est nécessaire d'appeler, nous devons fournir au client les éléments d'information qui lui permettront de trouver la réponse à sa question de façon autonome (appli, voicebot, SVI). Enfin, troisième enjeu : si un client a besoin de nous appeler, il faut que nous soyons rapides, efficaces, et performants. C'est là que les dernières technologies, l'IA en particulier, interviennent. Mise au service du conseiller, l'IA peut aider à affiner un diagnostic et permettre par exemple de synthétiser le contenu d'un dossier client. La mise en place d'une solution de Speech-to-Text et de Speech Analytics nous a aidés à mieux comprendre les raisons d'appel et de réappel, en nous fondant sur la base des scores construits. Cela nous aide aussi à mieux déterminer avec précision les motifs d'insatisfaction.
Nous travaillons par ailleurs sur l'intelligence artificielle (IA) pour refondre notre serveur vocal et mettre du langage naturel afin de le rendre plus convivial et moderne, mais aussi pour router l'appel vers le bon conseiller. Selon moi, l'IA et ChatGPT ne sont pas des menaces. Nous aurons encore longtemps besoin de services clients assurés par des êtres humains. Nous reviendrons d'une digitalisation à outrance, j'en suis persuadé. La technologie est un moyen pour que les conseillers soient bien outillés et que leur quotidien soit simplifié. Aujourd'hui, le secteur des télécoms est mature : le taux d'équipement des ménages sur le mobile et le fixe est proche de 100 % ou presque. Tous nos modèles sont en train de migrer d'un modèle d'acquisition à un modèle de fidélisation qui exige toujours plus de services et un accompagnement différent.
Comment assurez-vous le marketing de la fonction Relation Client au sein de l'entreprise qu'est SFR ? Y a-t-il des blocages ou des a priori concernant votre fonction que vous avez contribué à éliminer ?
Le regard des gens sur notre direction et l'expérience client a changé au fil du temps car c'est désormais une vraie obsession de l'entreprise de mettre le client au coeur de son process. Il y a par ailleurs toute une dimension de management passionnante car il faut embarquer les équipes de conseillers, leur donner du sens au quotidien dans leur travail et les manager au quotidien. Nous représentons aussi la voix du client au sein de l'entreprise et de ses différents départements (réseaux, marketing, logistique, etc.). Il y a quatre ou cinq ans, chaque entité avait ses propres indicateurs de qualité sans les corréler à un indicateur client. Aujourd'hui, les patrons de la logistique et des réseaux, par exemple, se demandent comment par leurs actions ils peuvent contribuer à améliorer l'expérience client.
Où vous voyez-vous dans cinq ans ?
Cela fait cinq ans que je m'occupe de la relation client chez SFR et il n'y a aucune routine. Les problématiques sur lesquelles nous oeuvrons aujourd'hui sont très différentes de celles sur lesquelles nous avons travaillé il y a un mois car il y a sans arrêt des nouveautés. Nous sommes à un tournant où l'IA et les technologies de façon générale révolutionnent notre métier. La relation client me passionne. C'est un univers où les leviers d'action sont nombreux. Le fait d'être constamment en contact avec les clients nous demande de faire preuve d'une grande agilité intellectuelle. C'est un métier où l'humain occupe une place prépondérante. De plus, les personnes qui constituent un service client et celles qui travaillent dans la relation client sont globalement très bienveillantes et forment une communauté très agréable à côtoyer.