Michaël Pudlowski (Directeur KPMG France): "Le client est encore plus mature, plus engagé et plus exigeant dans ses achats"
Publié par Mallory Lalanne le - mis à jour à
L'année 2022 a été marquée par un fort retour des clients en magasin et une montée en puissance des exigences des consommateurs. Dans ce contexte, les marques se doivent d'être sur tous les fronts, aussi bien physiques que digitaux et proposer des expériences à impact, selon le baromètre KPMG publié mardi 8 novembre. Michaël Pudlowski, Directeur chez KPMG France, revient sur les principaux enseignements de cette étude et les challenges qui attendent les marques.
Quels sont les principaux enseignements de l'étude* ?
Depuis deux à trois ans, nous constatons une tendance très positive sur la satisfaction client. Ce qui signifie que les marques ont travaillé sur les irritants, ont investi sur le digital et en boutique, sur la personnalisation, et ont accentué leur compréhension des parcours clients pour adapter leurs discours, leurs offres et services. Sur 11 secteurs étudiés, 10 sont en croissance. Le baromètre publié en 2021 laissait transparaître une augmentation de la satisfaction des clients, une bienveillance, un plaisir des consommateurs de retrouver les marques, ce qui nous avait presque étonnés. Nous nous attendions à un retour à la réalité bien plus brutal.
L'importance accordée par les consommateurs aux piliers « Intégrité » et « Personnalisation » est à nouveau confirmée cette année. Le pilier « Attentes » prend plus d'ampleur. En 4 ans, il a progressé de 3 points. Coupler personnalisation et réponse aux attentes constitue ainsi un atout pour être promu et fidéliser ses clients. Les champions de l'expérience client se sont particulièrement démarqués sur les piliers « Intégrité », « Empathie » et « Résolution ». Aptes à écouter et comprendre les clients, ils s'adaptent, répondent et anticipent leurs attentes. Et, lorsqu'une insatisfaction apparaît, ces marques cherchent des solutions et accompagnent le client de manière proactive dans son processus de résolution, en utilisant chaque situation comme une véritable source d'amélioration continue. La somme de ces différents piliers permet ainsi aux champions de créer un lien fort avec leurs clients.
Ils ont aussi et surtout démontré un engagement environnemental et sociétal fort, à travers leurs promesses de marque et des preuves d'actes sincères, exigés par les consommateurs et globalement la société.
Cela est-il suffisant pour se démarquer ?
Je n'en suis pas certain. Les clients sont de plus en plus sollicités. Se différencier n'est pas si évident. Pour trouver de nouveaux territoires de chasse, les nouvelles technologies comme le métavers ou la réalité augmentée, ouvrent de nouvelles perspectives, encore balbutiantes. Les meilleurs s'en sortent en améliorant les parcours, en expérimentant de nouveaux modèles économiques, avec la multiplication des offres d'abonnement par exemple. Créer une expérience à impact, travailler sur la rétention via les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), qui remettent en cause de nombreux codes, permettent de revisiter les offres et de limiter les impacts négatifs. C'est une nouvelle manière de penser son service client. De nombreuses marques de retail présentes cette année dans le Top 10 ont maintenu un service digital de qualité, un réseau de boutiques de proximité, tout en personnalisant l'accueil, le suivi du client et le conseil, qui rendent le client unique et donnent une importance nouvelle au service client, longtemps perçu comme un centre de coût. Certains acteurs s'interrogent même sur la relocalisation des centres d'appels en France pour des raisons de qualité de service.
En 2021, votre baromètre a souligné l'avènement d'un nouveau client, toujours plus sensible aux enjeux environnementaux et sociétaux. A quoi ressemble-t-il aujourd'hui ?
Il est encore plus mature, plus engagé et plus exigeant dans ses achats. La majorité des consommateurs, 57% précisément, sont prêts à payer des produits et des services éthiques plus cher. Ils recherchent des produits responsables et durables et intègrent ainsi comme critère de choix la responsabilité sociétale et environnementale des marques. Parmi eux, 60% ont un revenu annuel (avant impôts) inférieur à 42 000 €. Dès lors, la question de la consommation responsable se démocratise et ce, quelles que soient les professions exercées.
Le consommateur a aussi une volonté de consommer intelligemment et va choisir des marques avec qui il a un lien beaucoup plus fort, et en qui il a plus confiance. Alors qu'on parlait d'automatisation il y a quatre ans, le consommateur et donc l'humain revient au coeur de la discussion.
Quels sont les défis que vont devoir relever les marques ?
Avec la montée de l'inflation, les marques vont devoir trouver un équilibre entre l'ESG et le pouvoir d'achat, trouver la bonne voie pour s'inscrire dans le bon discours. En période de crise, elles pourraient avoir le réflexe d'effectuer des coupes budgétaires sur certains paramètres comme l'innovation. Cela pourrait les mettre en danger. Il faut justement réussir à maintenir un certain flux d'innovation pour s'en sortir, et créer les expériences de demain.
Incarner une proximité à travers des expériences simples et efficaces, la mise à disposition d'un conseiller, d'un réseau de boutiques est un autre axe clé pour leur développement. Cette simplicité apparente des expériences client réussies est en réalité permise par des écosystèmes intelligents, où les Data et l'IA libèrent la créativité des métiers.
En 2022, 25 pays ont participé à votre étude. Quelles sont les tendances internationales ?
Il y a un besoin des acteurs d'adapter leur modèle opérationnel pour pouvoir répondre aux défis de l'omnicanalité. Un défi que les entreprises françaises ont bien en tête. La technologie, la capacité à gérer la data est très prégnante aux Etats-Unis et dans les pays émergents. Une démarche qui demande toutefois des transformations fortes. Les entreprises doivent aussi prendre conscience de la nécessité d'inclure leurs collaborateurs dans la conduite de ces changements et dans les prises de décisions stratégiques. La réussite collective reposant sur les employés, qui sont ceux qui vont aider les marques à construire les expériences de demain.
* Pour cette 4ème édition de l'étude Customer Experience Excellence (CEE) publiée mardi 8 novembre., KPMG fait le point sur l'évolution des meilleures pratiques en matière d'expérience client. En 2022, 25 pays ont participé à cette étude. Pour la France, c'est un panel de 7 200 consommateurs qui ont évalué (en juin et juillet) leur expérience de marque sur les 6 derniers mois. Les consommateurs notent de 0 à 10 le Net Promoter Score (NPS), la fidélité, le rapport qualité/prix, ainsi que les 6 piliers KPMG de l'expérience client : intégrité, résolution, personnalisation, attentes, temps & effort, et empathie.