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[Tribune] Démarchage téléphonique abusif en France, vers la fin du harcèlement ?

Publié par Frédéric Canevet le - mis à jour à

Le fléau du démarchage téléphonique persiste malgré les lois existantes. Une nouvelle loi visant à renforcer le consentement préalable risque d'être inefficace car elle pénaliserait surtout les entreprises respectueuses des règles. La solution réside dans une meilleure application des lois actuelles, des sanctions plus sévères pour les contrevenants et un renforcement des outils de signalement.

Par Frédéric Canevet, Eloquant

Les appels incessants qui polluent nos téléphones touchent-ils à leur fin ? Une nouvelle loi envisage de soumettre le démarchage téléphonique aux règles strictes du consentement préalable. Mais ce projet, bien qu'intéressant sur le fond, ne réglera en rien le problème. À l'inverse, il va pénaliser les acteurs respectueux de la législation sans mettre fin aux actions d'une infime minorité. La clé n'est pas d'imposer une nouvelle Loi aux personnes qui la respectent déjà, mais d'identifier et punir les brebis galeuses de la profession qui ne respectent pas la Loi.

Un problème persistant malgré les dispositifs existants

Les ménages français en ont assez des appels intempestifs de démarchage publicitaire. Et des outils comme Bloctel, une liste o?icielle d'opposition au démarchage téléphonique, existent déjà pour endiguer le phénomène. Mais leur e?icacité reste limitée. Pourquoi ? Parce que les principaux responsables de ces abus ne respectent ni les lois françaises et savent qu'ils peuvent passer au travers du dispositif de détection. La raison est simple : il n'y a pas de sanction systématique, ni de dispositif de remontée d'informations ou de communication forte sur les sanctions qui ont déjà été appliquées.

La majorité des acteurs du secteur - qu'il s'agisse de grandes entreprises avec centres d'appels internes ou externalisés - respectent scrupuleusement la législation. Ils ne démarchent que les personnes consentantes et s'assurent que leurs fichiers sont conformes aux listes Bloctel. Mais les responsables des dérives, eux, se trouvent ailleurs.

À l'inverse, certains centres d'appels, souvent basés à l'étranger ou opérant à la marge de la législation, ignorent délibérément les règles. Ces prestataires peu scrupuleux, actifs dans des secteurs comme l'énergie ou les formations professionnelles (CPF), s'a?ranchissent des obligations légales et inondent les lignes des consommateurs. Une autre source majeure des nuisances vient des appels automatisés via le fléau des robots d'appels. Ces robots, programmés pour composer des numéros en masse, déclenchent des conversations ou laissent des messages sans intervention humaine. C'est une arme redoutable mise entre les mains des spammeurs. Certains prestataires complices leur fournissent même des solutions techniques pour contourner les contrôles.

Malgré des dispositifs existants, le problème persiste en France pour plusieurs raisons. Les fraudeurs utilisent des plages de numéros qu'ils remplacent rapidement dès qu'un numéro est bloqué. On est face à une absence de sanctions dissuasives. En e?et, les amendes sont rares et souvent peu élevées, laissant le champ libre aux contrevenants et des failles importantes dans le contrôle des réseaux téléphoniques. Les acteurs étrangers ou ceux utilisant des services de téléphonie sur IP échappent souvent aux mécanismes de régulation classiques.

Le consentement préalable : une fausse bonne idée ?

Le législateur envisage actuellement une loi visant à transposer les principes du RGPD au domaine de la téléphonie. Objectif : obliger les professionnels à recueillir le consentement explicite de l'appelé avant tout démarchage téléphonique. Mais est-ce réellement la bonne solution ?

Si transposer le RGPD au démarchage téléphonique semble une solution séduisante, elle risque de créer plus de contraintes pour les acteurs respectueux que pour les fraudeurs et se révèle alors pour ces derniers, comme une réponse superficielle et punitive. Ces derniers, qui opèrent déjà en dehors du cadre légal, continueront à contourner les règles. Plutôt que d'imposer une nouvelle réglementation lourde, ne faudrait-il pas renforcer l'application des dispositifs existants et cibler directement les abus en intensifiant les contrôles ?

L'administration a déjà pris des mesures, à l'image des 58 000 euros d'amendes infligés à Groupe Maison.fr par la DGCCRF. Cependant, il faut aller plus loin. Des peines exemplaires doivent être systématiquement appliquées pour dissuader les récidivistes.

En 2024 seulement 53 sanctions ont été prononcées par la CNIL (voir cnil.fr), mais qui ne s'attaquent pas aux vrais contrevenants qui sont peu nombreux. Créer un système d'alerte automatisé doit être envisagé en s'inspirant de la gestion des emails indésirables en instaurant une remontée d'alerte auprès de la DGCCRF. Les numéros fréquemment bloqués par les particuliers servent déjà à bloquer les appels, il su?it de les tracer pour identifier leurs propriétaires et sanctionner les abus.

Restaurer la confiance

De nombreuses entreprises du secteur de la relation client s'e?orcent de redorer l'image des centres d'appels et promouvoir une relation client éthique et responsable. Elles refusent de collaborer avec des sociétés peu scrupuleuses, n'utilisent pas de robots d'appels sans contrôle et privilégient des pratiques responsables axées sur la satisfaction client en se concentrant sur la qualité des échanges avec leurs clients. Ces e?orts méritent d'être soutenus, et non pénalisés par des lois inadaptées.

Plutôt que de pénaliser l'ensemble d'un secteur, il est temps de s'attaquer directement aux véritables responsables. Les centres d'appels hors-la-loi et les spammeurs automatisés ne doivent plus ternir l'image de toute une profession. Grâce à la mise en place de mesures ciblées, le renforcement des outils existants et l'application de sanctions exemplaires, la lutte contre le démarchage abusif pourra enfin porter ses fruits sans pour autant entraver les acteurs qui jouent selon les règles.

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