L'écoute client omnicanale devient conversationnelle et proactive
Publié par Christine Monfort le | Mis à jour le
Le feedback management innove pour s'insérer au plus près du parcours le client et sur tous les canaux où il s'exprime. Pris en main à tous les niveaux de l'entreprise, cet outil de pilotage de la satisfaction client permet aussi de saisir de plus en plus d'opportunités business.
Ecouter la voix du client permet de vérifier que la promesse de marque est bien tenue, réduire les irritants, rester en phase avec son marché... Les enquêtes envoyées par mail, à intervalles réguliers ou après une interaction, restent très utilisées. « Dans le retail, 60 à 70 % du volume de la connaissance de l'expérience et de la satisfaction client vient de ces méthodes classiques. Elles assurent une bonne partie du travail mais toutes les enseignes ont conscience qu'elles apportent une vue assez limitante. Sans compter qu'avec ces clients qui ont souvent une carte de fidélité, ont laissé leur mail et fait un achat, les scores sont en général plutôt bons », observe Nicolas Hammer, cofondateur et directeur général de Critizr. Alors que les outils se perfectionnent, l'écoute client ne se cantonne plus à des constatations post-achat mais permet de collecter du feedback à chaud pour gérer de façon plus agile l'expérience client, rebondir sur les termes sensibles quand le client demande un remboursement ou se dit fou de rage, améliorer le référencement ou la réputation...
A condition d'aller chercher le client sur les canaux où il s'exprime ! « Ceux qui n'ont pas l'habitude de répondre aux questionnaires peuvent laisser des commentaires sur WhatsApp ou sur Google Review, sur les réseaux sociaux ou par le biais d'un centre de contact... Associer les différents feedbacks à un individu permet de recueillir sa perception sur les différents points de contact et d'avoir une vision plus homogène de son expérience client. Faire le lien avec toutes les informations que les entreprises ont en interne sur le client est aussi une piste pour s'améliorer », ajoute Estelle Villard, responsable France de Medallia. Elle insiste aussi sur l'importance de laisser de côté les questions trop fermées car « c'est lorsque le client s'exprime librement que son retour est le plus riche. »Cette approche plus holistique de l'écoute client implique de se doter d'outils à même de gérer des remontées de mails, chats, réseaux sociaux, transcriptions d'appels vocaux, vidéos... Alors que sa plateforme réconcilie déjà ces différents types de données, Medallia a lancé en mars 2022 une solution Athena Studio pour que les entreprises créent sans aucun codage des modèles personnalisés d'intelligence artificielle (IA) et de machine learning qui analyseront leurs données non structurées.
Quelle que soit la manière dont l'entreprise sonde la satisfaction client ou la qualité de l'expérience délivrée, seule une bonne utilisation des résultats permet de s'inscrire dans un processus d'amélioration. C'est pourtant loin d'être le cas... Si 93,8 % des entreprises estiment nécessaire de travailler régulièrement sur les parcours clients, seules 47,7 % intègrent les feedbacks clients dans leur stratégie, selon l'étude Customer Expérience Benchmark 2022 réalisée par NTT, partenaire de Genesys sur des programmes d'engagement client. « Le constat est un peu dur. En captant l'information à la source et en intégrant les retours clients dans la boucle de réflexion, il est pourtant possible de créer un cercle vertueux d'agilité pour adapter les parcours clients existants mais aussi concevoir les parcours de demain », note Laurent Millan, manager expérience client chez NTT France.
Les données de navigation aident à améliorer l'expérience du commerce en ligne sur desktop et mobile. Skeepers teste une solution qui déclenche une enquête spécifique quand le client a besoin d'aide ou semble bloqué. « En faisant apparaître un pop-in dès que le client est passé trois fois sur la même page ou en insérant un bouton feedback, souvent en bas à droite de la page, la marque se positionne au plus près du parcours client et gagne en agilité dans sa réponse. Le taux de conversion augmente si elle intervient à temps quand le parcours du client montre qu'il est sur le point d'abandonner le panier », explique Thierry Aubert, Chief Product Officer de Skeepers, issu du rapprochement entre Mediatech-cx, Avis Vérifiés et Teester. Son groupe va lancer une autre innovation, qui intégrera l'IA et le machine learning dès la collecte du feedback. Elle analysera de manière automatique « l'écart entre différents indicateurs qui montrent une baisse de satisfaction sur un point spécifique du parcours, pouvant être partiellement compensée par d'autres éléments, mais qui serait à améliorer », détaille-t-il.
Une multiplication de nouveaux outils
Puisque les notifications sur WhatsApp lors d'une livraison ou l'intégration d'outils de chat dans les sites e-commerce mobile sont de plus en plus fréquents, l'écoute client gagne à s'inscrire dans cette tendance. « Intégrer des API conversationnelles sur WhatsApp ou Facebook Messenger évite une rupture de canal, poursuit Thierry Aubert. La marque propose un moment d'écoute qui réplique ce qui se passe en présentiel en magasin. Le client n'a plus l'impression d'être enquêté mais s'inscrit dans un échange naturel. Le taux de réponse est élevé car cette proposition intervient dans la foulée de l'interaction. » Les équipes peuvent d'ailleurs profiter de cette économie de pression marketing pour se concentrer sur d'autres actions.
Côté consommateurs, WhatsApp est plébiscité. « Quand on suggère plusieurs modalités d'échange, 40 % des clients choisissent ce canal, jugé plus simple et intuitif qu'un mail, même s'il implique de donner son numéro de téléphone. En un an, les magasins Carrefour sont entrés en contact avec 100 000 clients sur WhatsApp », témoigne Nicolas Hammer. Les outils conversationnels présentent aussi l'avantage d'être activables pendant ou même en amont de l'achat.Pour aider les retailers à être proactifs dans la gestion des irritants - dont certains sont impossibles à éviter - et multiplier les occasions de contacts avec le client final, Critizr a intégré Google's Business Messages puis WhatsApp dans sa plateforme. Carrefour, Auchan ou Monoprix s'en servent par exemple pour réduire l'attente en caisse. Un message envoyé par le client quand il y a plus de trois personnes dans la file d'attente alerte les personnels sur leur smartphone, qui voient en interne comment ouvrir une caisse supplémentaire. Ces enseignes de GSA, tout comme Bricoman en GSS, proposent au client qui prépare sa visite en magasin d'écrire au point de vente via WhatsApp ou Google Business Message pour vérifier la disponibilité des produits. Il reste certes désagréable de ne pas trouver l'article dont on a besoin, mais être prévenu à l'avance évite une partie de la frustration...
La vidéo est un canal d'écoute en plein développement. « Une enquête poussée via un lien permet au destinataire d'enregistrer sa vidéo. L'analyse en temps réel des intonations de la voix ou des rictus du visage permet d'apprécier de manière plus fine l'expérience client », précise Estelle Villard. Ce même type de démarche peut être mis en place en écoutant le flux audio enregistré dans les échanges des centres de contact. Après l'acquisition de Spockee, spécialiste français du live shopping, Skeepers va lancer dans les mois qui viennent une solution vidéo pour recueillir des verbatims « augmentés ». L'usage ne se limitera pas forcément au service client ou marketing : « La vidéo démultiplie l'effet du commentaire ou du verbatim et transmet davantage d'émotion. Au lieu de lire des remontées clients, proposer deux ou trois témoignages vidéo de clients lors d'un Comex peut aider à faire bouger les lignes », avance Thierry Aubert.
Les messages vocaux peuvent ouvrir de nouveaux horizons, notamment par leur aspect pratique, mais leur usage à des fins d'écoute client nécessite quelques précautions. Critizr, qui va les expérimenter d'ici quelques mois dans le retail, prévoit par exemple de les associer à des technologies de speech to text car les ordinateurs en magasin n'ont souvent pas de carte son. A défaut de transcription écrite, les équipes ne seraient pas en mesure d'écouter le message du client et pas plus d'y répondre... « Le speech analytics reste une technologie assez coûteuse et les équipes doivent pouvoir justifier son utilisation. Elle peut être utile en centre de contact pour vérifier que les sujets de compliance ont bien été respectés, par exemple lors d'une vente ou de la conclusion d'un contrat, mais reste sans doute un peu chère pour traiter des questions de qualité », pointe Laurent Millan.
Inventer de nouveaux modes de relation
La perspective de nouvelles opportunités business peut convaincre les acteurs d'accélérer sur l'écoute et la connaissance client. Dans le cas du retail, ces feedbacks sont aussi l'occasion de réfléchir au rôle du magasin. Critizr et Monoprix ont renforcé leur partenariat pour que certains points de vente de l'enseigne - environ les deux-tiers du réseau - puissent envoyer en local des messages à leurs clients. « Beaucoup de données sont disponibles via l'analyse de tickets de caisse et la carte de fidélité, mais elles sont rarement utilisées car les enseignes restent la plupart du temps dans un marketing de masse. Chez Monoprix, 50 % de la pression marketing sera gérée par le magasin, qui devient animateur de sa communauté pour régler en temps réel les problèmes du client mais aussi gérer la satisfaction, par exemple en créant un lien de proximité autour de l'ultra-local », fait valoir Nicolas Hammer. Il en veut pour preuve le Monoprix du Prado à Marseille « qui installe le vendredi un rayon de poissons venant de la criée de la ville et informe ses clients du contenu de l'arrivage », ou celui de Lille, qui dispose d'un très grand parking et a monté un partenariat avec un laveur de voitures « pour proposer à ses clients qui dépensent plus de 200 euros de courses le samedi de laver leur véhicule ». Des services qui ne peuvent être imaginés et gérés qu'à cette échelle !
Ces échanges plus serviciels sont une piste pour garder le contact avec des clients satisfaits, souvent les plus difficiles à rappeler sans une offre d'up-sell ou de cross-sell. La banque, qui a beaucoup développé le self-care, doit aussi resserrer les liens avec ses clients « non vus en agence ». Certaines caisses du Crédit Agricole expérimentent avec Critiz des échanges sur WhatsApp afin de recréer de la proximité avec cette cible et éviter qu'elle finisse par leur échapper. Les liens existants peuvent aussi être resserrés avec les clients plus actifs. Skeepers a demandé aux plus de 20 000 consommateurs qui répondent à des demandes sur Avis vérifiés ce qui les inciteraient à partager ces avis. « Ils souhaitaient surtout pouvoir être un peu récompensés, relate Thierry Aubert. Nous avons lancé un POC sur l'intégration de récompenses pour ces clients, grâce à un algorithme qui évalue leur niveau d'engagement vis-à-vis de la marque. Si cela s'avère concluant, ce serait un pas en avant pour la marque sur les avis et le feedback et pour le consommateur qui serait un peu plus riche. » Et une nouvelle illustration qui prouve que l'écoute client est un levier gagnant-gagnant.
Belambra fait de l'écoute client un outil de sa montée en gamme
Dans le tourisme, l'écoute client n'est pas un vain mot, tant les avis et commentaires sont clés pour faire (ou défaire) la réputation d'une marque, recruter, fidéliser... Grâce au dispositif d'écoute client en temps réel mis en place depuis 2018 avec SatisFactory, Belambra a amélioré ses indicateurs de satisfaction. Avec un taux de retour de 10 à 15 %, le SMS envoyé le lendemain de l'arrivée en club fait remonter les informations et permet d'entrer en contact dans les heures qui suivent avec les clients insatisfaits. Les avis positifs, dont les saisonniers sont friands, ressortent facilement. Avec l'analyse sémantique des écrits entrants, les alertes sont monitorées et les motifs trop génériques d'insatisfaction affinés afin étudier l'insatisfaction sans entrer dans chaque dossier client. « L'outil d'analyse sémantique est bien perçu par les équipes siège et sites et permet, en fin de saison, de définir les budgets d'investissements pour l'avenir », expliquait Nadège Rousselin, directrice relation client de Belambra, sur le salon Stratégie Clients en mars 2022. Depuis que l'ensemble des répondants aux enquêtes est redirigé sur TripAdvisor, « même les clients satisfaits mettent des avis car c'est très facile à faire ». Dès la première année, le volume d'avis en ligne a augmenté de 68 % et 80 % des clubs affichaient un score supérieur à 4 sur 5 sur cette plateforme. Si le recueil des avis clients « assoit la montée en gamme de l'entreprise »,l'amélioration est un processus continu.Au programme de 2022 : un benchmark des clubs concurrents de proximité et la remontée des avis dans les fiches clients sur Salesforce.
L'écoute client est (aussi) un enjeu d'organisation
Tirer le meilleur parti de l'écoute client implique de réfléchir à la manière dont cette connaissance est utilisée en interne. Les marques ont tendance à rapprocher les avis collectés chez les clients et le management de l'expérience client, mais « si l'information remonte toujours vers les mêmes personnes, l'impact reste trop limité », assure Estelle Villard chez Medallia. Chez Schneider, où la plateforme a permis d'augmenter de 33 % l'engagement des collaborateurs, l'information est distribuée de manière sélective. Un gestionnaire de compte, qui doit pouvoir prendre des actions rapides, ne voit les résultats d'enquête et les données non structurée que des 4 ou 5 comptes qui le concernent, quand un manager, qui besoin d'apprécier les tendances en cours, verra les résultats de toute la France... « Donner l'information aux équipes terrain permet de gérer de manière agile 80 % des questions qui se posent. Il reste toujours 20 % de problèmes qui nécessitent une collaboration avec le siège pour régler un problème IT, de supply chain ou d'image de marque », ajoute Nicolas Hammer de Critizr. Chez Carrefour, des Animateurs relation client et services (ARCS) ont sur leur téléphone l'application de son groupe. Chaque verbatim reçu par le magasin entre alors dans un « plan pompier » (éteindre le feu en ouvrant une caisse ou en intervenant sur un stock) ou dans un « plan mécanicien » s'il relève d'un problème pour lequel il faut aller plus en détail au niveau de la région ou du siège. Un suivi en local permet de voir si les verbatims ont été gérés et s'il y a eu une action pour servir le client.