"La notion de fidélité ne séduit plus", Catherine Michaud (AACC)
Publié par Stéphanie Marius le - mis à jour à
Fin des programmes de fidélisation traditionnels, service client dispensable... Catherine Michaud, présidente de la délégation customer marketing de l'AACC, revient sur les bouleversements du secteur au sein du Livre Blanc "Qui a volé la relation client?".
Un mot sur les raisons qui vous ont poussé les auteurs, dont vous-même, à écrire ce manifeste?
Nous avons cherché à explorer les façons dont la relation client se réinvente. Via ce titre provocateur, "Qui a volé la relation client?", nous avons voulu mettre en lumière les nouveaux acteurs majeurs du domaine.
Mais surtout, nous avons voulu montrer que la relation client n'était plus un département de l'entreprise mais bien le sujet central. Ce point est ancré dans l'esprit de tous les dirigeants d'entreprises, même si tous les acteurs n'avancent pas à la même vitesse pour s'y conformer dans les faits.
Il existe deux niveaux de relation client: la gestion des problèmes post-achat et la réponse aux questions avant achat, c'est-à-dire le conseil.
Avant l'achat, le client désire être accompagné pour faire le bon choix (le produit qui lui correspond au meilleur prix). Dans cette phase, il est inutile de faire intervenir un conseiller humain si le produit est extrêmement basique ou le parcours client est parfaitement balisé, de manière à ce que tout demeure fluide.
Tandis qu'après l'acquisition prévaut une logique d'usage, où apparaissent un certain nombre de points de friction: réception de la commande, panne... Il s'agit majoritairement de gestion de problèmes, ce que l'on appelait auparavant le SAV. Lorsque Jeff Bezos clame l'inutilité de la relation client, il sous-entend que si aucun point de friction n'apparaît en post-achat, grâce à un bon conseil en amont et des produits adaptés. Jeff Bezos et un certain nombre d'acteurs de la nouvelle économie, dont Airbnb, misent ainsi sur la simplicité d'usage de leur plateforme, pour que cette dernière soit à la portée de tous.
Un certain nombre de consommateurs utilisent le moteur de recherche d'Amazon avant même celui de Google. Une entreprise de taille intermédiaire a le choix entre pactiser avec ces grands groupes, via leur marketplace, et avoir une proposition de valeur assez différenciante pour conserver une existence en propre.
Ainsi, une société telle que Sephora propose un parcours cross-canal extrêmement fluide, car elle a pensé le cross-canal très tôt dans son développement. De plus, Sephora a choisi d'aller chercher des produits de niche et de les proposer en exclusivité. Il faut donc faire preuve de créativité et d'innovation. Le travail d'UX et d'embarquement des consommateurs sur les réseaux sociaux est ici important.
Autre exemple en post-achat, le bouton Darty se montre beaucoup plus compétitif et complet qu'Amazon Dash. Les clients, d'abord le segment premium puis les "hold my hand" (personnes qui désirent être accompagnées) sont prêts à payer pour un service s'il répond à un usage.
La data consacrée aux produits est indigeste et technique. La valeur ajoutée viendra des acteurs qui parviendront à humaniser et personnaliser ces données. Ainsi, les descriptions techniques des produits sur les sites marchands doivent laisser place à l'explication de leurs usages. La data n'est qu'un outil qui doit être utilisé pour créer une relation, elle doit devenir plus émotionnelle.
La France est en retard sur ce domaine, et demeure orientée vers la méthode "CAB" ("caractéristiques, avantages, bénéfices"). Les professionnels hexagonaux sont cependant en train de changer.
La différence entre les coûts d'acquisition et de fidélisation reste vraie mais la fidélité ne séduit plus les clients. En effet, la notion de propriété n'est plus dans l'air du temps. Et ce, y compris chez les consommateurs non millennials. De fait, lorsqu'e SFR lance une offre de location de smartphone à 27 euros par mois en plus de l'abonnement, le tarif correspond à une cible plus que trentenaire. Les marques s'adaptent donc à la non-possession et créent des propositions de valeur liées à l'usage. Qui dit non-possession dit non fidélité.
De nombreuses marques n'ont pas rénové leur programme de fidélité vieillissant car lancer un nouveau programme en repartant de zéro leur revenait moins cher. Une nouvelle opportunité apparaît cependant au croisement entre la data et les réseaux sociaux pour proposer de l'ultraciblage à sa base de clients.