Préserver le capital client au coeur de la tempête
Conserver son capital client en zone de turbulence s'impose face à l'augmentation des bad buzz et autres e-reputation malmenée. Comment anticiper et s'équiper d'outils performants pour éviter la contagion? Le point sur les réflexes à adopter en période de crise.
"Nous tenons à présenter nos plus sincères excuses aux familles concernées. Nous mesurons l'ampleur de la situation [...] Notre Numéro Vert 0 800 120 120 reste à disposition de 9h00 à 20h00." Sur son site internet, le groupe Lactalis dresse une liste sans fin des différents moyens de communication visant à calmer les esprits: FAQ, communiqués de presse, professionnels de santé et médecins prêts à répondre aux questions en tous genres... mais depuis l'alerte de début décembre 2017, le mal est déjà fait. Que reste-t-il du capital client de la marque de lait infantile? Des plaintes et des pétitions. Toutes les explications du monde ne pourront faire revenir les clients de sitôt.
Ce cas d'école illustre la difficulté de communication d'une marque face à une crise d'une telle ampleur. Sa réputation est entachée d'une avalanche de maladresses.
Pas moins de 102 crises de réputation ont éclaté en 2017 et 45% d'entre elles ont trouvé leur origine hors ligne (source: Visibrain, Livre blanc, Bad Buzz 2017). Les réseaux sociaux ne sont pas l'unique chambre d'échos de ces phénomènes, même si Twitter reste un vivier fécond et voit même sa part augmenter de 5% cette année. Enfin 6 crises sur 10 sont dues à un problème de communication, soit de la part de l'entreprise elle-même, soit en provenance de l'extérieur.
Une crise, quelle crise ?
Selon Nicolas Vanderbiest, de Reputatio Lab, chercheur en stratégie d'influence, les crises ont un niveau de gravité variable, calculé en fonction de la durée et de l'impact (émotionnel, réputationnel et économique) qu'il implique sur l'entreprise. Trois niveaux de crise sont identifiables :
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- - La crise éphémère : la marque a fait une erreur et rétablit sa réputation en s'excusant ; l'affaire est aujourd'hui tombée totalement dans l'oubli, elle n'a pas changé l'entreprise dans sa stratégie ou n'a eu qu'un faible écho parmi une certaine communauté.
- - La crise de moyenne ampleur : l'impact de visibilité est conséquent et a marqué l'entreprise jusqu'à peut-être changer son organisation ou sa vision.
- - La crise grave ou systémique : longue, elle a eu un impact global sur le fonctionnement même de la marque. C'est le cas de Lactalis.
Pour rappel, en 2017, 80% des crises étaient éphémères. Ce qui implique qu'un badbuzz sur cinq a un impact profond sur l'organisation visée. "Il est important de qualifier le bruit en fonction des acteurs en présence", explique le spécialiste.
Répartition du lieu d'origine des crises
Où germent les crises? En 2017, 45% d'entre elles ont trouvé leur origine hors ligne, c'est 12% de plus que l'année précédente. Twitter reste un vivier fécond et voit même sa part augmenter de 5% cette année. En revanche, Facebook et les sites internet, en progression l'année dernière, ne confirment pas cette hausse et perdent presque 10% chacun. Enfin, la nouveauté de 2017, c'est l'apparition de crises dues à Instagram et Snapchat, même si cette tendance reste encore faible.
Action, réaction
Face à une crise, la gestion du temps est capitale. Pour une marque chahutée, ce qui compte c'est de prendre le contrôle du temps. À savoir, ne pas répondre dans l'urgence et réfléchir avant d'agir. "Il faut très vite appliquer un marqueur d'empathie de type "je vous ai entendu, nous allons prendre les mesures nécessaires pour vous répondre" pour empêcher un schéma narratif où la marque perd le contrôle du temps. L'objectif est clair: il faut stopper la contagion!", explique Nicolas Vanderbiest. Selon l'expert, "il faut garder le droit de se déclarer en crise ou pas et différencier ce qui est de l'ordre de la crise et du pétard mouillé!"
Des dispositifs adaptés
Conserver son capital client est l'enjeu prioritaire pour les marques qui doivent affronter une période de turbulence. Les centres de relation client sont équipés pour accompagner leurs clients, quel que soit le secteur d'activité. Parmi les outsourceurs référents sur le marché, Acticall déploie des mécanismes adaptés à chaque situation critique.
"Les crises générant une forte pression médiatique sont les plus complexes à gérer." Kim Neyret, Acticall Sitel France
"Notre métier de base en tant que spécialiste de la relation client est d'offrir suffisamment de souplesse à nos clients pour réagir face à un imprévu modéré. Notre mission est d'être présent dans tous les moments forts de l'année en suivant le rythme de nos clients. C'est le cas pour environ 60 de nos 150 clients. Pour ceux-là, il faut doubler les équipes en un temps record et passer parfois de 200 à 400 personnes sur un plateau. Nous pouvons ainsi augmenter notre capacité de réponse d'environ 15% (recrutement, dispositifs multisites, annualisation du temps de travail...)", explique Kim Neyret, directrice générale d'Acticall Sitel France (Sitel groupe).
Pour chaque crise, il faut adapter le dispositif et mobiliser les équipes dédiées. Acticall peut ainsi déployer un réseau de conseillers experts rassemblés sur 3 de ses 15 sites. Y compris sur le digital. "Notre agence digitale "The social Client" accompagne nos clients en mode 360° sur l'ensemble des canaux. Messagerie instantanée, Bots, autant de dispositifs qui gèrent la communication de crise sur les réseaux sociaux avec des équipes dédiées", précise le DG.
Avec des managers aguerris, l'outsourceur établit des "Fiches réflexe" qui réunissent les éléments fournis par le client pour apporter les bonnes réponses en temps réel. "Les crises générant une forte pression médiatique sont les plus complexes à gérer. Là, le degré d'urgence et la réactivité sont exacerbés. Avec la SNCF et Le ministère de la Santé (via l'affaire Lactalis) que nous gérons depuis 15 ans, nous disposons d'un vrai savoir-faire en gestion de crise d'ampleur (grippe H1N1, Ebola, la pillulle 3e génération...)", assure Kim Neyret.
Savoir anticiper
Tout le succès de l'opération réside dans la phase préparatoire: le dispositif d'anticipation est capital. L'idéal est d'avoir tout préparé en amont pour avoir le moins d'impact en termes d'orchestration. Donc sélectionner le site réquisitionné, les équipes, imaginer le processus et choisir le bon niveau de réactivité en fonction du volume d'appels à traiter. Et les pics d'appels peuvent atteindre des sommets. Au plus fort de la crise de l'affaire Lactalis, Acticall a dû traiter 17.000 appels en décembre pour les rappels de produits. Le contexte classique tournant autour de 700 à 1.000 appels par jour. Pire, pour la grippe H1N1, les quelque 300 conseillers dédiés ont traité 15.000 appels par jour.
Adapter le discours en temps réel
Il est important d'adapter le discours en fonction de l'évolution de la situation. Aussi, le client, reçoit des reporting automatisés toutes les heures puis toutes les semaines. L'idée étant de faire remonter à la marque tous les éléments afin d'adapter les éléments de langage.
Chez ce spécialiste de la relation client, la gestion des crises est affaire courante: au sein de Webhelp, 3.000 conseillers sont dédiés à la gestion de crise dans le secteur du voyage sur 40.000 au total dans le groupe. Nora Boros, responsable du secteur Voyages, Transports, loisirs au sein de Webhelp expose sa politique de gestion critique: "En période de gestion de crise, on préfère parler de "l'art de la conversation" plutôt que de la relation client en prenant en compte l'aspect émotionnel et le contexte dans lequel se trouve le client. Gérer l'impact émotionnel aussi. Dans le monde du transport, les aléas sont fréquents. Notifications, alertes, en privilégiant le "one to many", font partie de notre quotidien."
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