« Un client multicanal réalise un chiffre d'affaires six fois supérieur à un client monocanal web »
Dans le livre d'Hervé Bloch* : “Tout savoir sur l'acquisition et la fidélisation en ligne”, Mathieu Staat, directeur marketing de Fnac et Fnac direct, détaille le positionnement de son entreprise, et en présente la stratégie de marketing relationnel multicanal.
Comment se positionne la Fnac face aux évolutions de son secteur d'activités ?
Le marché de la Fnac est très attaqué sur son activité historique : CD, DVD, vidéo, livre. Les clients changent de comportement et le panier moyen des produits techniques chute.
Nous opérons une diversification de notre activité autour de nouveaux univers et cherchons à acquérir de nouveaux clients.
Quelle est votre stratégie marketing ?
Notre défi est également de créer de la mixité entre les canaux. Le on line connaît une croissance à deux chiffres en trafic et en chiffre d’affaires. Nous devons continuer à recruter et fidéliser.
Un client multicanal réalise un chiffre d’affaires six fois supérieur à un client monocanal web. Ça régit aujourd’hui toutes nos actions : nous regardons les leviers qui apportent le plus de nouveaux clients, le plus de répétition d’achat, et ceux qui sont pourvoyeurs de clients multicanaux.
Comment se comportent les consommateurs français ?
Les Français sont historiquement les plus comparateurs par rapport à des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
Ils vont utiliser tous les outils à leur disposition pour choisir. Nous nous sommes rendu compte que pour une marque forte comme la Fnac, les avis de consommateurs sont jugés véridiques, et nous devons pour cela rester honnêtes par rapport à ce que disent les gens. Le consommateur a maintenant les outils qui lui permettent d’aller se renseigner, de comparer et de partager son achat.
Quelle est votre réponse à ces comportements ?
Nous avons, par exemple, développé une plateforme communautaire proposant de nombreux contenus, conseils et prescriptions, alimentée essentiellement par nos vendeurs.
Pour obtenir encore plus d’interaction et répondre à ce “consom’acteur”, nous avons également lancé un e-mail automatique après un achat sur le site ou en magasin, pour demander au client de noter et de donner son avis. Nous lui proposons dans certains cas de revendre son produit (produits éditoriaux notamment). Ces e-mails sont un succès et vont nous rapporter plus qu’un mailing générique sur une opération commerciale. Demander son avis à quelqu’un le fait revenir sur le site et, ainsi, génère de l’achat.
Comment gérez-vous le multicanal ?
Nous avons commencé à étudier nos clients et, en particulier, les adhérents. Les premiers chiffres montrent que ceux-ci dépensent beaucoup plus quand ils sont sur plusieurs canaux.
Et puis, nous avons regardé ce que faisaient les clients après être venus sur Internet : achat sur le site ou en magasin. Nous sommes capables d’évaluer la rentabilité de nos actions de webmarketing sur le chiffre d’affaires Internet et en magasins. Le site est clairement pourvoyeur de trafic dans ces derniers.
Il existe donc des synergies entre les canaux...
Oui. Le magasin peut servir à aller retirer un produit sans faire la queue, ni perdre de temps en caisse. Avec une commande Internet depuis les magasins, nous avons toujours une réponse au client en 24 heures au magasin ou en 48 heures chez lui.
Les magasins aussi profitent du multicanal en créant leur propre boutique sur Internet pour vendre leur stock.
Par ailleurs, cela va permettre d’améliorer les recommandations des vendeurs qui auront accès au profil des clients.
Quel est le rôle du mobile ?
Pour le client, le mobile fait le lien entre le on line et le off line avec, par exemple, des alertes sur les nouveautés, la disponibilité, les baisses de prix…
Plus d’1,2 million d’applications Fnac ont été téléchargées. Elles permettent de scanner les produits, d’écouter un cd en rayon et d’accéder à des avis clients. Nous allons créer davantage de rebonds en incitant les clients à se localiser en magasin et leur permettre de cumuler des points, qu’ils soient ou non adhérents.
Comment vous adaptez-vous à la hausse des coûts d’acquisition ?
Avec le temps, nous avons appris à mieux utiliser les leviers traditionnels. Nous utilisons notamment le ratio coût sur chiffre d’affaires et nous parvenons, même en augmentant le volume d’acquisition, à rationaliser, voire à baisser nos coûts d’acquisition client. Bien évidemment, à certaines périodes de l’année, comme à Noël, les coûts sont plus élevés.
Nous disposons d’une enveloppe “test & learn” qui nous permet de tester le coût d’acquisition de l’adexchange, du retargeting, des publicités sur Facebook...
Nous décorrélons ce budget de l’enveloppe rationalisée. Et puis nous optimisons, avec de l’A/B testing, pour obtenir les meilleures performances. Le montant de cette enveloppe dépend des époques et des lignes budgétaires. Nous sommes, cette année, autour de 5 % de budget de test contre 95 % de budget on line traditionnel.
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Où en êtes-vous en matière de connaissance client, de CRM, de fidélisation ?
Il faut avoir, en permanence, un flux de nouveaux clients, car on ne peut pas fidéliser 100 % des clients.
Plus nous acquérons de clients, plus nous pouvons et devons les fidéliser. Notre force c’est le multicanal.
Nous développons de plus en plus de magasins locaux pour offrir un service de proximité encore plus fort.
Concrètement, comment se traduit cette stratégie ?
En matière de connaissance client, cela se traduit par 90 segments de clientèle, mis à jour dynamiquement tous les mois.
Nous nous appuyons aussi sur le modèle RFM et sur une segmentation via le programme adhérent.
Nous sommes capables de piloter le marketing direct à partir des goûts des clients et des produits qu’ils n’ont pas encore achetés. Ça nous permet d’identifier des appétences fortes. Ces informations peuvent même être utilisées dans le cadre d’extension de magasins, pour permettre d’améliorer leur assortiment, voire d’élargir la gamme.
Votre ambition est donc d'augmenter le trafic…
Notre objectif est d’accroître les passages caisse en magasin comme sur le site, de fidéliser les clients et d’augmenter leur valeur, notamment au travers du programme de fidélité. Ce dernier représente 54 % de notre chiffre d’affaires.
L’idée est d’adresser tout le cycle de vie client, du prospect à l’ambassadeur de marque.
Pour réaliser cette montée en gamme, nous travaillons sur des scénarios via du CRM, de l’acquisition ciblée, du marketing direct multisupport (e-mails, supports papier, SMS, push mobile…), et, demain, via les médias sociaux avec des push personnalisés.
Croyez-vous au commerce sur les réseaux sociaux ?
Je ne crois pas au Facebook commerce : aucun acteur ne fait de l’argent avec, et nous non plus.
Le social shopping ne décolle pas. Sur Facebook, nous avons trois objectifs : la communication ciblée avec sept fan pages, la collecte d’information et la personnalisation.
Mais encore faut-il que cela s’intègre bien au CRM des entreprises. L’open graph de Facebook ne permet pas un usage simple pour l’entreprise. En revanche, dans une application, on peut encapsuler de l’information multicanal et la pousser vers un membre Facebook.
Quelle part de votre budget marketing est consacrée au digital ?
Nous avons, d’une part, un budget lié au chiffre d’affaires du site. D’autre part, nous bénéficions de l’apport de la communication globale de l’enseigne, notamment sur les leviers de branding et l’achat de mots-clés génériques. On arrive à 20 % de budget au global. La communication devient multicanal et les budgets sont de plus en plus intégrés.
Quel est votre domaine de prédilection en matière de webmarketing ?
J’apprécie beaucoup l’e-mail parce qu’on peut tester beaucoup de choses avec le contenu et en rebond en multisupport.
Aux États-Unis, ce qui fonctionne très bien, c’est de cibler par e-mail, avec des couponings, des visiteurs qui ont vu une ou plusieurs fois des produits.
Sur les gros leviers d’acquisition et d’animation, c’est vraiment sur l’e-mailing et sa personnalisation qu’il y a des choses intéressantes à faire.
Des sociétés proposent des solutions simples de mastertag qui permettent de faire des tests au niveau marketing et d’installer rapidement un nouveau partenaire, sans avoir recours à la technique.
Pouvez-vous nous citer des cas d’école en acquisition et en fidélisation réalisés par la Fnac ?
Sur Facebook, nous avons réalisé une application de blind test avec un investissement très faible. Nous avons capté 30 000 fans en dix jours, sans plan média. Le buzz a bien marché grâce au côté ludique de l’application, qui donnait envie aux fans de la partager, et au jeu-concours qui permettait d’animer le dispositif. L’objectif était surtout de recruter des fans et de créer de la notoriété sur l’univers de téléchargement.
Depuis trois ans, nous avons réussi à doubler notre trafic en référencement naturel. Ça se voit moins, mais les gains ont été très importants. Maintenant, les derniers points sont les plus chers car les plus difficiles à atteindre.
* “Tout savoir sur… l'Acquisition et la Fidélisation online” est le deuxième ouvrage d'Hervé Bloch. Le président de la société Digilinx et de l'Internet Managers Club est également l'auteur des “7 Péchés capitaux du marketing digital”.
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